Introduction

Comment je pêche le Saumon Atlantique à la mouche ?

Comme beaucoup de pêcheurs à la mouche, j’ai commencé dans les années 90 par pêcher la truite, lors de vacances familiales ou, plus tard, lors de sorties en Bretagne.

Autant que je m’en souvienne, je me suis rapidement mis à monter des mouches et bizarrement, puisque je me basais sur des images de livres ou magazines, les premières images de mouches à saumon que j’ai pu y voir ont tout de suite attiré mon oeil. Je les trouvais belles tout simplement. Probablement qu’elles me laissaient imaginer ce que pouvait être ce poisson plutôt mystique à mes yeux de jeune pêcheur. Je ne savais même pas qu’il y en avait encore en France et encore moins en Bretagne.

Saumon de 65 cm pris sur l'Ellé en 2019
Saumon de 65 cm pris sur l'Ellé en 2014

 

Pendant quelques années j’en ai même monté juste pour le plaisir des yeux. Puis, une chose en entraînant une autre…

Premier déclic - Le saut d’un gros poisson sur un pool du Scorff au mois de mai alors que je pêchais la truite. Ouah, quelle bête !!!

Deuxième déclic - L’Année d’après sur ce même Scorff, un Castillon gobant mon sedge et me cassant mon bas de ligne en 14/100è !!! (Incroyable, j’aurais pu prendre un saumon par hasard et en sèche en plus !!!).

Troisième déclic – En 1999 j’ai travaillé en Irlande pendant 6 mois (Février à Juillet) et j’ai pu côtoyer les premières grandes rivières à Saumon telles que la Suir, la Nore et la rivière de Galway. Même si je ne pêchais que la truite à ce moment-là, j’ai tenté ma première pêche au Saumon après avoir acheté une canne à 2 mains de 14’ #9-10 dans un magasin des rues piétonnes de Galway. Pour l’anecdote, le marchand me l’a faite essayer dans la rue, sur le trottoir, au milieu des passants, avec soie et bas de ligne (sans mouches rassurez-vous) !!! A cette époque je montais des mouches à saumon de type « Classique » ou « Victorienne » juste pour la « décoration », passant parfois plusieurs heures pour juste une mouche !!!


Enfin, dernier déclic – Pour mes 30 ans je me suis payé en 2008 un séjour en Norvège pour réellement essayer d’attraper ce poisson. Ce fut chose faite et dès ma première prise (une femelle de 14 livres) mes mains tremblaient littéralement. Sans surprise, j’ai attrapé le virus de la "Saumonite Aigue".

Depuis ce temps je peux presque dire qu’il hante mes nuits.

Me faisant délaisser la pêche de la truite. Non par snobisme mais par … passion tout simplement.

Lorsque vous pêchez le Saumon, vous devenez obstiné, endurant, persévérant et déterminé et normalement humble (bien que certains pêcheurs perdent leur humilité au fur et à mesure de leur expérience de saumonier, bien dommage). Ce sont là des qualités primordiales pour surmonter les échecs que l’on rencontre nécessairement.

Pour rédiger les quelques pages qui suivent, je ne me qualifierai pas d’expert, loin de là. J’ai lu dans un livre de Jean Paul PEQUEGNOT que pour se targuer d’être un expert, les Anglo-Saxons "exigent" la capture d’au moins 1000 Saumons !!! Je vous le dis tout de suite, j’en suis très loin. Et si je devais attendre d’avoir pris 1000 Saumons pour en parler, eh bien je n’en parlerais pour ainsi dire …. jamais.

Et puis 1000 Saumons, cela dépend où on les prend ! Si c’est 1000 Saumons en Bretagne, quelle expérience ! Certainement plus d’une vie. Si c’est dans une rivière prolifique Russe telle la Ponoï ou la Varzuga, ça ne fait que 10-15 semaines de pêche ….

Le titre de mon écrit est explicite : "Comment je pêche le Saumon Atlantique à la mouche" et pas comment il faut le pêcher. Je ne détiens pas la vérité, je possède une expérience de 12 années de pêche, mon expérience. J’essaye de vous en faire profiter, c’est un partage d’expérience tout simplement.

La pêche du Saumon Atlantique est généralement considérée comme le Graal de la pêche à la mouche.

Castillon de la Gweenstion 2012
Castillon de la Gweestion, affluent de la Moy (Irlande 2012)

 

A vrai dire, au premier abord, on peut se demander pourquoi.

Certes, c’est un poisson qui peut atteindre dans certaines rivières des tailles importantes (1m10, 1m20 voir 1m30) mais je ne suis pas sûr que cela soit l’explication.

Dans nos rivières Bretonnes, le Saumon Atlantique n’atteint pas ces tailles exceptionnelles mais, même si des poissons de 90 cm pour 13 à 15 livres ne sont pas légion, ils ne sont pas rares non plus, la moyenne se situant plutôt aux alentours des 75 cm pour environ 8-9 livres.

A noter un fait exceptionnel, au printemps 2020, un poisson de 9,6 kg (oui oui vous avez bien lu !!!) a été capturé sur le parcours de Bodvé à ARZANO (parcours mouche de l’AAPPMA de Quimperlé), cela laisse rêveur !!! Probablement que cela faisait plusieurs décennies qu’un poisson de cette taille n’avait été capturé.

A bien y réfléchir, la vie du Saumon, sa reproduction et sa pêche en font un poisson exceptionnel.

C’est un poisson qui naît en rivière, part en mer, généralement à l’âge de 1 à 2 ans (en Bretagne) pour y grandir, faisant ainsi un voyage de plusieurs milliers de kilomètres et revient dans sa rivière natale à l’âge de 2-3 voir 4 ans pour s’y reproduire.

Lorsqu’il entre en eau douce pour la reproduction (Printemps/Eté), il subit un bouleversement biologique qui l’empêche de se nourrir. Il vit ainsi sur ses réserves pendant la fraie (Novembre/Décembre) pour ensuite essayer de repartir en mer (Mars/Avril de l’année suivante).

Un exemple encore plus surprenant de la vie du Saumon Atlantique est celui du Saumon baptisé "Osenka" par les Russes.

C’est un Saumon Atlantique comme les autres, sauf qu’il a la particularité d’arriver en rivière à l’Automne de l’année N, d’attendre Novembre/Décembre de l’année N+1 pour frayer et de repartir en mer au printemps de l’année N+2. Bien sûr, pour survivre aussi longtemps en rivière sans pouvoir se nourrir, autant vous dire qu’il arrive bien gros en rivière !!!

La vie du Saumon Atlantique est exceptionnelle.

Quant à sa pêche, essayer de faire mordre un poisson qui ne peut plus se nourrir relève pour le pêcheur de la maladie mentale ou tout du moins de la flagellation !

Sa pêche est exceptionnelle.

Enfin, lorsque vous bravez toutes les difficultés, les doutes, qu’après un lancer avec votre canne à 2 mains vous posez votre mouche ¾ aval, vous faites un "mending" amont pour permettre à votre mouche de descendre en profondeur et de se repositionner, vous entamez une dérive, vous voyez une vague arriver sur votre mouche, un bouillonnement puis une tirée franche de la soie, alors là, au premier coup de tête du poisson, à son premier "rush", vous comprenez immédiatement pourquoi vous avez attendu tant de temps cet instant magique et pourquoi sa pêche est parfois considérée comme le Graal de la pêche à la mouche.

Mais pour cela il faudra être persévérant.

Le saumon atlantique : déluge sur la Tana
Déluge sur la Tana (Norvège 2011 - Photo P. Laforge)

Bertrand Quinchon